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Aude dite Orium
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14 octobre 2006

Mes que dire, mes que faire, mais comment ça tient en l'air ?

InfanticideVéronique Courjault, 38 ans et mère de deux enfants de 10 et 11 ans, La jeune femme risque la réclusion criminelle à perpétuité. Elle a reconnu être la mère des deux bébés retrouvés dans le congélateur de son domicile sud-coréen en juillet, a également avoué, jeudi 12 octobre, avoir tué un troisième bébé, né en France en 1999. Elle affirme aux enquêteurs avoir "agi seule", sans que son mari ne soit mis au courant de ses grossesses. Apparemment, les deux bébés retrouvés dans le congélateur ne seraient pas des jumeaux comme on l'avait cru initialement. La première naissance aurait eu lieu en 2002 et la seconde fin 2003, avant que Mme Courjault ne subisse une ablation de l'utérus dans un hôpital de Séoul.

Jean-Louis Courjault a indiqué qu'il n'a jamais eu connaissance des faits. Il a toutefois été mis en examen jeudi soir pour "complicité d'assassinats" mais laissé libre sous contrôle judiciaire, contre l'avis du parquet qui souhaitait son incarcération, selon son avocat Marc Morin.

La sociobiologie explique que les gènes programment les mères à aimer leurs petits et le culturalisme voit dans l’instinct maternel une pure construction sociale.

Lorsqu’on voit les exemples touchants d’affection maternelle au sujet des femmes de toutes les nations, et des femelles de tous les animaux, comment douter que le mobile de l’action ne soit le même dans les deux cas? Et ce mobile, c’est l’instinct maternel. Fort de ces ressemblances évidentes entre les comportements des mères dans de nombreuses espèces animales et humaine, Darwin en concluait que l’affection maternelle faisait partie des instincts sociaux les plus puissants, et qu’elle poussait les mères humaines et animales à nourrir, laver, consoler et défendre leurs petits.

Contre cette évidence de l’instinct maternel, Elisabeth Badinter avait écrit en 1980 un livre choc, « L’Amour en plus » (Flammarion). Loin d’être une donnée naturelle, un instinct inscrit dans les gènes des femmes, l’amour maternel serait profondément modelé par le poids des cultures.  ce n’est qu’à la fin du xviiie siècle que le rôle de mère a été valorisé et que le regard sur l’enfance a changé. Auparavant, du fait du nombre d’enfants qui mouraient en bas âge, des contraintes économiques qui pesaient sur la femme et, surtout, du peu de considération que l’on portait aux enfants, l’attention apportée aux petits n’était pas si forte. De fait, le nombre d’enfants abandonnés ou laissés en nourrice montrait que beaucoup de mères n’étaient pas attachées à leurs petits.

Dans Les Instincts maternels, S. Blaffer Hrdy défend une thèse qui se démarque à la fois de la sociobiologie et du culturalisme. Pour l’auteur, il ne fait aucun doute qu’il existe des mécanismes biologiques qui attachent la mère à son petit. Mais ces mécanismes ne sont pas des pulsions aussi implacables que le besoin de manger ou de dormir. Pour passer de la prédisposition à l’amour maternel effectif, il y a une cascade de logiques qui s’enchaînent.

Les chercheurs ont mis en évidence chez les mammifères une zone spécifique du cerveau (située dans l’hypothalamus) qui stimule les comportements d’élevage. Cette zone cérébrale est sous la dépendance d’une famille de gènes appelés « gènes fos ». Une souris dépourvue du gène fosB ne sait pas s’occuper de ses petits et les délaisse. Le mécanisme est en fait plus subtil. C’est l’odeur des petits qui déclenche l’activation de ce gène, qui lui-même participe à la production d’hormones spécifiques stimulant la réaction maternelle. Tous les gens qui ont vécu à la ferme savent qu’il ne faut pas toucher les lapereaux tout juste nés. Imprégnés d’une odeur étrangère, ils ne seront plus reconnus par leur maman, qui les tuera sans pitié. Inversement, si l’odeur familiale est appliquée à un rejeton d’une autre espèce, la mère va s’attacher amoureusement à lui. Un autre mécanisme déclencheur du comportement maternel provient de la prolactine, une hormone qui produit la lactation chez les jeunes mères. La montée de lait déclenche chez les jeunes mères des pulsions maternantes. Il arrive que des jeunes femmes qui n’avaient jusque-là éprouvé aucun sentiment particulier pour les bébés, changent complètement à la naissance d’un enfant.

Hormones, odeurs, gènes... il existe de puissants motifs biologiques pour encourager les mères à s’occuper de leurs petits. Mais cela suffit-il à faire de toutes les jeunes femmes des mères aimantes et attentionnées ? En aucun cas.

L’importance  de l’infanticide suffit à remettre en cause l’idée d’un instinct maternel irrépressible. Voilà pourquoi, selon S. Blaffer Hrdy, il a fallu que les enfants déploient des stratégies pour séduire les adultes et empêcher qu’on les rejette. Car l’amour maternel ne vient pas que de la mère : il suppose une intervention active de l’enfant pour se faire aimer. En termes évolutionnistes, plusieurs stratégies de séduction sont déployées par les nourrissons. Les pleurs, les sourires, les cris de bébé, provoquent spontanément des réactions de compassion. De même, plus tard, la physionomie du nourrisson : grands yeux, visage rond, petite main potelée sont des prototypes qui stimulent chez l’adulte l’attendrissement. Et ce mécanisme ne touche pas que la mère mais aussi les personnes alentour.

L’instinct maternel n’agit pas comme un programme infaillible. Il opère plutôt par une série continue de détonateurs, qui peuvent ou non s’amorcer, selon les circonstances ou les réactions à l’environnement. «Au lieu des vieilles dichotomies entre nature et culture, il faut s’intéresser aux interactions complexes entre gènes, tissus, glandes, expériences passées et signes de l’environnement, y compris les signaux sensoriels lancés par les nourrissons et les individus proches.»

Bien, et quand on sait ça, comprend on mieux?  Il me reste quelque chose, quelque part de l'ordre du tabou, qui m'empêche de comprendre. J'ai beau lire et relire toutes les thèses qui se présentent, mon cerveau se bloque. Je ne hurle pas avec les loups, je ne juge pas cette femme. On ne me le demande pas d'ailleurs, heureusement. Non, juste, je ne comprend pas. Je ne peux pas comprendre, je ne peux pas même l'imaginer, le concevoir. Est ce que je veux comprendre? En fait, je ne sais pas. Il y a quelque chose en moi qui me chuchote que le concevoir est un peu l'accepter, le rendre réel, possible. J'ai beau savoir que l'homme est capable du pire, quelque chose en moi se refuse a l'admettre. Un psy me disait que j'avais un problème avec « l'abnégation. » C'est certain, il y a des choses que je ne pourrai jamais admettre, quelques preuve que l'on me présente. Je reste interdite devant ce fait divers, pas si rare, et qui sonne comme un film d'anticipation pessimiste.

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Commentaires
O
Oui, j'ai entendu Boris cyrulnik en parler. Et aussi incroyable que cela parraisse, lui, il pense qu'effectivement, il est possible que le mari n'ai rien vu. Comme il dit aussi que cette femme est parfaitement équilibrée, ce qui lui a permis d'être une mère aimante, qu'elle a seulement un pan de sa personne qui a un problème,que probablement elle ne considérait pas ces enfants là comme des enfants, ce qui lui a permis de passer à l'acte. Etrange méandres de nos cerveaux!
A
Le plus étonnant dans l'affaire est que cette femme ait pu élever apparemment "normalement" deux enfants avant de commettre ces 3 infanticides ! On peut peut-être se demander si le sexe des enfants assassinés était identique, néanmoins quel que soit la réponse à cette question, un tel geste reste incompréhensible. Incroyable encore l'innocence affichée de l'époux !
A
luciole : le titre n'est pas de moi, il est de bashung. ;)
L
J'aime bien ton titre, subtil ...
L
très belle note en effet, instructive en plus !<br /> Chaque fois que je suis confrontée à un fait divers de ce type je pense à Médée. C'est étrange parce que c'est un role que j'aimerai beaucoup avoir à jouer. Pour son insondable mystère sans doute ... Mais c'est vrai que pour moi comprendre n'est pas accepter, c'est plutôt se protéger ... bises !
Aude dite Orium
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