Mes que dire, mes que faire, mais comment ça tient en l'air ?
Véronique Courjault, 38 ans et mère de deux enfants
de 10 et 11 ans, La jeune femme risque la réclusion criminelle
à perpétuité. Elle a reconnu être la mère
des deux bébés retrouvés dans le congélateur
de son domicile sud-coréen en juillet, a également
avoué, jeudi 12 octobre, avoir tué un troisième
bébé, né en France en 1999. Elle affirme aux
enquêteurs avoir "agi seule", sans que son mari ne
soit mis au courant de ses grossesses. Apparemment, les deux bébés
retrouvés dans le congélateur ne seraient pas des
jumeaux comme on l'avait cru initialement. La première
naissance aurait eu lieu en 2002 et la seconde fin 2003, avant que
Mme Courjault ne subisse une ablation de l'utérus dans un
hôpital de Séoul.
Jean-Louis Courjault a indiqué qu'il n'a jamais eu
connaissance des faits. Il a toutefois été mis en
examen jeudi soir pour "complicité d'assassinats"
mais laissé libre sous contrôle judiciaire, contre
l'avis du parquet qui souhaitait son incarcération, selon son
avocat Marc Morin.
La sociobiologie explique que les gènes programment les
mères à aimer leurs petits et le culturalisme voit dans
l’instinct maternel une pure construction sociale.
Lorsqu’on voit les exemples touchants d’affection maternelle
au sujet des femmes de toutes les nations, et des femelles de tous
les animaux, comment douter que le mobile de l’action ne soit le
même dans les deux cas? Et ce mobile, c’est l’instinct
maternel. Fort de ces ressemblances évidentes entre les
comportements des mères dans de nombreuses espèces
animales et humaine, Darwin en concluait que l’affection maternelle
faisait partie des instincts sociaux les plus puissants, et qu’elle
poussait les mères humaines et animales à nourrir,
laver, consoler et défendre leurs petits.
Contre cette évidence de l’instinct maternel, Elisabeth
Badinter avait écrit en 1980 un livre choc, « L’Amour
en plus » (Flammarion). Loin d’être une donnée
naturelle, un instinct inscrit dans les gènes des femmes,
l’amour maternel serait profondément modelé par le
poids des cultures. ce n’est qu’à la fin du xviiie siècle
que le rôle de mère a été valorisé
et que le regard sur l’enfance a changé. Auparavant, du fait
du nombre d’enfants qui mouraient en bas âge, des contraintes
économiques qui pesaient sur la femme et, surtout, du peu de
considération que l’on portait aux enfants, l’attention
apportée aux petits n’était pas si forte. De fait, le
nombre d’enfants abandonnés ou laissés en nourrice
montrait que beaucoup de mères n’étaient pas
attachées à leurs petits.
Dans Les Instincts maternels, S. Blaffer Hrdy défend une
thèse qui se démarque à la fois de la
sociobiologie et du culturalisme. Pour l’auteur, il ne fait aucun
doute qu’il existe des mécanismes biologiques qui attachent
la mère à son petit. Mais ces mécanismes ne sont
pas des pulsions aussi implacables que le besoin de manger ou de
dormir. Pour passer de la prédisposition à l’amour
maternel effectif, il y a une cascade de logiques qui s’enchaînent.
Les chercheurs ont mis en évidence chez les mammifères
une zone spécifique du cerveau (située dans
l’hypothalamus) qui stimule les comportements d’élevage.
Cette zone cérébrale est sous la dépendance
d’une famille de gènes appelés « gènes
fos ». Une souris dépourvue du gène fosB ne
sait pas s’occuper de ses petits et les délaisse. Le
mécanisme est en fait plus subtil. C’est l’odeur des
petits qui déclenche l’activation de ce gène, qui
lui-même participe à la production d’hormones
spécifiques stimulant la réaction maternelle. Tous les
gens qui ont vécu à la ferme savent qu’il ne faut pas
toucher les lapereaux tout juste nés. Imprégnés
d’une odeur étrangère, ils ne seront plus reconnus
par leur maman, qui les tuera sans pitié. Inversement, si
l’odeur familiale est appliquée à un rejeton d’une
autre espèce, la mère va s’attacher amoureusement à
lui. Un autre mécanisme déclencheur du comportement
maternel provient de la prolactine, une hormone qui produit la
lactation chez les jeunes mères. La montée de lait
déclenche chez les jeunes mères des pulsions
maternantes. Il arrive que des jeunes femmes qui n’avaient
jusque-là éprouvé aucun sentiment particulier
pour les bébés, changent complètement à
la naissance d’un enfant.
Hormones, odeurs, gènes... il existe de puissants motifs
biologiques pour encourager les mères à s’occuper de
leurs petits. Mais cela suffit-il à faire de toutes les jeunes
femmes des mères aimantes et attentionnées ? En aucun
cas.
L’importance de l’infanticide suffit à remettre en
cause l’idée d’un instinct maternel irrépressible.
Voilà pourquoi, selon S. Blaffer Hrdy, il a fallu que les
enfants déploient des stratégies pour séduire
les adultes et empêcher qu’on les rejette. Car l’amour
maternel ne vient pas que de la mère : il suppose une
intervention active de l’enfant pour se faire aimer. En termes
évolutionnistes, plusieurs stratégies de séduction
sont déployées par les nourrissons. Les pleurs, les
sourires, les cris de bébé, provoquent spontanément
des réactions de compassion. De même, plus tard, la
physionomie du nourrisson : grands yeux, visage rond, petite main
potelée sont des prototypes qui stimulent chez l’adulte
l’attendrissement. Et ce mécanisme ne touche pas que la mère
mais aussi les personnes alentour.
L’instinct maternel n’agit pas comme un programme infaillible.
Il opère plutôt par une série continue de
détonateurs, qui peuvent ou non s’amorcer, selon les
circonstances ou les réactions à l’environnement. «Au
lieu des vieilles dichotomies entre nature et culture, il faut
s’intéresser aux interactions complexes entre gènes,
tissus, glandes, expériences passées et signes de
l’environnement, y compris les signaux sensoriels lancés par
les nourrissons et les individus proches.»
Bien, et quand on sait ça,
comprend on mieux? Il me reste quelque chose, quelque part de
l'ordre du tabou, qui m'empêche de comprendre. J'ai beau lire
et relire toutes les thèses qui se présentent, mon
cerveau se bloque. Je ne hurle pas avec les loups, je ne juge pas
cette femme. On ne me le demande pas d'ailleurs, heureusement. Non,
juste, je ne comprend pas. Je ne peux pas comprendre, je ne peux pas
même l'imaginer, le concevoir. Est ce que je veux comprendre?
En fait, je ne sais pas. Il y a quelque chose en moi qui me chuchote
que le concevoir est un peu l'accepter, le rendre réel,
possible. J'ai beau savoir que l'homme est capable du pire, quelque
chose en moi se refuse a l'admettre. Un psy me disait que j'avais un
problème avec « l'abnégation. »
C'est certain, il y a des choses que je ne pourrai jamais admettre,
quelques preuve que l'on me présente. Je reste interdite
devant ce fait divers, pas si rare, et qui sonne comme un film
d'anticipation pessimiste.