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Aude dite Orium
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14 décembre 2004

Pour te dire Adieu, (suite)

             

Voici la suite du texte "Pour te dire adieu". Il est un peu long, je sais, c'est pouquoi je ne l'avais pas publié en entier. Mais devant tant d'insistance de mes fans ;-), j'ai cédé. j'espère qu'il vous plaira. C'est une histoire inspirée oui, de ma vie, mais pas tout à fait, je me suis permise, pas mal, d'y ajouter de mon imagination. Mon imagination fait partie de moi... Alors c'est un peu moi quand même. Tout ça pour dire que je vais bien, merci. ;-P  Bonne lecture.
 
 
 


 

   

Barfy: http://www.barfly.canalblog.com
 
 

    
  ".....
 
Douze ans, qu'est ce que j'ai fait en douze ans ? J'ai pris des cours de théâtre, j'ai joué, un peu, dans des salles obscures, pour tout le monde. Je me suis recyclée dans l'animation, avec un enthousiasme éphémère, je suis revenue à mes premières amoures. Aux premières douleurs, Je me suis blottie tout contre ma mère. J'ai essayé de devenir, comme elle, une secrétaire hors pair. Je n'ai pas poursuivi l'expérience.
   
Je me suis rêvée écrivain prolifique, je regardais les pages que j'avais noircies et je n'étais que prolixe. Je me suis rêvée du dessous de ma couette en haut de l'affiche. Je me suis rêvé quelqu'un ; J'ai eu une quantité certaine d'amants sans en tirer un plaisir décisif. Et j'ai eu des amis que j'ai encore, d'autres que je n'ai plus. J'ai aimé passionnément, bêtement. J'ai changé d'air, tenté d'autres vies.
   
   
J'ai rencontré un homme. Ensemble nous avons eu des enfants. Aujourd'hui, nous croulont sous les crédits. Mon homme a eu des problèmes de santé et de travail. Les enfants vont bien. Je suis restée trois ans à la maison, j'ai eu le baby blues, je suis sous anti-dépresseur et anxiolytique. Je me ressaisis, je fais du sport, m'habille et me maquille à nouveau, et dès qu'on en a l'occasion, on fait garder les enfants et l'on sort. Je reprends mon activité professionnelle. Quoi de plus normal en somme ? Combien de femmes ont vécues ou vivent la même chose ?
   
Je me dis :  « Que penseraient toutes ces femmes de ces gémissements ? – Ben oui, ma fille, c'est la vie ! les temps sont durs. Quand la santé va, tout va. Si les enfants grandissent bien, c'est le plus important !"
   
Et si je voulais plus ! plus que la bonne santé des enfants, plus que l'absence de problèmes d'argent ! Si je voulais plus que l'amour ! Si je voulais la paix ! Je ne parle pas de la quiète tranquillité du soir, lové en soi-même, sur le canapé devant un film à grignoter des conneries. Non, la paix ! La paix avec toi Hélène ; La paix avec tes parents, la paix avec moi. Qu'est ce que je dois faire ? Qu'est ce que je dois faire quand j'ai trop mal ? Prendre un cachet et dodo ? Non ! Pardon mesdames, je sais que vous ne pensez pas cela, vous me comprenez, la souffrance est universelle.
   
Qu'est-ce que tu aurais fait en douze ans ? Terminé tes études de psychologie, trouvé un travail, rencontré un mari, eu des enfants, des rires des peines, je ne sais pas. Qu'imaginer d'autre, on peut tout imaginer. Ce n'est pas cela qui compte. Ce qui compte c'est que tu aurais eu une vie.
   
Pourrais-je un jour supporter l'idée que je n'étais pas là ? Pourrais-je un jour sans étouffer me redire encore que tu m'as fait des signes que je n'ai pas vus ? Je cherche encore je reste aveugle. C'est elle, ta mère qui m'a dit que tu m'avais réclamé et que je t'avais abandonné.
   
Je suis désolée madame, on se parlait tous les jours au téléphone, on parlait des heures. Si elle avait tenu a ce que je vienne, elle me l'aurait dit !…
    N'est-ce pas Hélène que tu me l'aurais demandé.
   
Tu étais si délicate, as-tu voulu m'épargner ? Alors je me prosterne devant ton souvenir, Hélène, pour ce que tu as fait. Ta mort m'a eu par surprise, valait peut-être mieux.
 
Et elle, ta mère, elle ne savait pas se servir du téléphone ? Elle ne pouvait pas me prévenir que c'était sans appel, que tu avais besoin de moi lors de tes derniers jours. Non, elle a préféré te garder pour elle toute seule !
  Je la  comprends, c'ést ta mère.
 
    Et ton père qu'est ce qu'il a fait ton père, existait-il vraiment derrière ses comptes et ses coups ?
 
Je suis méchante ; Méchante parce qu'ils t'ont fait mal, m'ont fait mal ! Je suis en colère ; Je leur en veux d'avoir immiscer ce doute en moi, de m'avoir inoculer le virus de la culpabilité.
La douleur était trop forte. Peut-être ne se rendait elle pas compte de la portée de ses propos. Elle en voulait à la terre entière d'avoir perdu sa fille, j'étais à porté de main.
   
Je ne pouvais pas savoir que tu allais mourir ! Le savais-tu toi-même ? la veille de ta mort tu m'a appelé pour me dire que tu sortais le lendemain, que tu irai en convalescence chez tes parents et que, des le week-end prochain je pourrai venir, on avait tant de choses à se dire, on à toujours eu tant à se raconter.
   
Mais, bordel de merde, je n'ai pas tué votre fille ! Je ne l'ai pas laissé crevé dans un fossé boueux en attendant que la terre s'abreuve de son sang ! je ne l'ai pas laissée agoniser dans un mouroir !
   
Quand j'ai rencontré votre fille, c'était dans une boîte de télémarketing. Elle bossait pour financer ses études. Elle habitait chez vous, à 2 heures de train de banlieue de sa fac et de son boulot. Elle se levait chaque jour entre quatre et cinq heure du matin, se couchait fort tard le soir parce qu'elle était une étudiante zélée. Vos moyens financiers vous permettaient de lui éviter le petit boulot estudiantin, de la loger sur Paris et de couvrir toutes ses dépenses. Mais non, permettre aux enfants d'esclaves de faire des études au lieu de travailler à la maison, c'est déjà énorme. Vous n'alliez pas, Monsieur, en plus, lui payer ses études ! Et puis quoi encore !
   
Je lui ai proposé de venir habiter chez moi, plus que 3 /4 d'heure de sa fac et 10 min à pied du boulot. Tout ce temps gagné elle l'a passé à étudier, à rire et à me raconter.
À me raconter : Ce bon vieux grand père qui aime tant les enfants. Tellement qu'il l'a violé des années durant. Mais, si petite et si noire, était-elle une enfant ? Madame, vous l'accusiez d'être crasseuse ! Vous lui laviez les parties génitales à la brosse de paille!
    « - Mais où t'as été traîner pour revenir dans un état pareil. Ces maladies, à ton age, on se demande ! »
 
    Oui, effectivement des Maladies sexuellement transmissibles dès l'age de 6 ans, y a de quoi se poser des questions.
 
Ca vous va bien de jouer les duchesses outragées ! Qu'avez-vous fait pendant toutes ces années ? Êtes-vous venu à son secours quand son père, pétri de rancoeur se défoulait sur elle ? Cette boule dans les escaliers, cette boule contre laquelle il la projetait, cette boule qui reste gravée dans ma mémoire... Pourquoi cette boule plutôt qu'un autre accessoire, peut-être est-ce la cicatrice sur son œil droit qui lui donnait un charme particulier… Un accent circonflexe sur son oeil espiègle.
 
Ah, Madame, vous caressiez l'espoir de la faire rentrer au pays ! Vous rêviez qu'elle passe les épreuves, et qu'elle devienne celle que vous n'avez jamais pu être parce que vous aviez marié un blanc. Ivre d'ambition, vous avez craché sur vos ancêtres et vous êtes venue en France ; Ah la belle vie vous attendait… Une vie d'esclave dans un pays riche.
  Hélène n'avait que faire de votre village, elle ne connaissait pas l'Afrique, n'y était jamais allée. Elle avait d'autres ambitions, et vos histoires vaudoues lui faisaient peur.
 
    Ce n'est pas moi qui ai tué votre fille, ce n'est pas moi qui l'ai laissé tomber !
   
Quand vous m'avez accusé de sa mort, saviez-vous que je savais ? Saviez-vous que j'étais la respiration de votre fille, que j'arrivais si bien à la faire rire qu'elle en tombait de sa chaise des larmes de joie lui inondant le visage ? Saviez-vous que je savais qui vous étiez, et que malgré tout je vous aimais parce qu'elle vous aimait. Saviez-vous que peu à peu nous nous apprenions mutuellement à nous aimer nous-même ? Que nous nous soignions les blessures l'une l'autre et que nous réparions l'irréparable blessure que nos parents nous avaient infligée ?
   
    Vous souffrez ? Peu importe votre douleur, j'ai assez de la mienne.
   
    Hélène,
Depuis douze ans, je monologue, je te présente mes excuses pour ne pas avoir compris, pour ne pas avoir été là, jusqu'au bout, jusqu'à l'insupportable. Toi, déjà si menue, avec tes 30kg à tout casser. À tout casser, oui. Tu avais l'air d'une rose séchée.
 
Je me disais, elle sait, elle accepte, entre nous pas de mots superflus. Je ne peux pas venir te voir. L'hôpital sent le formol, les visites d'inconnu avec lesquels il faut te partager, travestir notre amitié. Le va et viens des infirmières « - Vous pouvez sortir mademoiselle, je vais faire les soins. » Je ne pouvais pas te voir comme ça. Et toi voulais-tu que je te voie ? J'attendais, entre parenthèse que tu quittes cet enfer et que tu rentres à la maison. Ce n'était qu'une question de jours, une semaine au plus. Hospitalisation pour cause de rétrécissement de l'œsophage. Y en a qui se le font rétrécir, toi tu te le faisais agrandir, cool ! On passait tellement de temps à se raconter au téléphone, comme toujours, comme si de rien était. Tu n'étais pas à l'hôpital, tu étais au téléphone, c'est tout.
J'avais des projets pour nous, pour quand tu sortirais. Rattraper le temps perdu, te redonner ta couleur. Les week-ends, mes parents nous auraient prêté leur maison de campagne. Et puis des sorties des fêtes et puis peut-être on se serait installé dans un appartement un peu plus grand, dans un quartier plus pratique.
   
Je ne savais pas… Que tu étais condamné, comment aurais-je pu l'imaginer ? Si j'avais été avertie de l'irrémédiable de ton mal, aucune crainte n'aurait été suffisante pour n'être pas resté ton amie, jusqu'à la fin, jusqu'à l'insoutenable, même par fierté, s'il avait fallu.
   
J'ai tant désiré t'entendre dire : « Ca va mon amie, je te pardonne. » Ton silence est éternel, il ne me reste qu'à me pardonner à moi-même. En ai-je le droit, En suis-je capable ? Veux-tu m'accorder ton pardon ? Et si c'était vrai, si en plus de la souffrance insoutenable de la maladie, tu avais à la dernière heure souffert de ma trahison, comment pourrais-tu me pardonner ?
   
La lettre que tu m'as écrite en mourrant… Je l'ai toujours, cachée quelque part. Chaque fois que par hasard je tombe dessus, chaque fois je la change de place ; C'est dire si elle est soigneusement égarée dans ma maison. Peut-être j'espère qu'ainsi l'empreinte qu'elle m'a laissée s'effacera peu à peu. Quelques mots me restent en mémoire : « …Toutes ces choses qu'on ne s'est pas dites… » Quelles choses, quelles choses, quelles choses ???
   
Pendant longtemps j'ai cauchemardé mon « procès ». Je te voyais revenir me cracher au visage ma lâcheté. J'ai tout imaginé, tout envisagé, rien accepté ; J'ai soupçonné, que tu n'étais pas morte, que tu étais finalement partie dans ton pays d'origine. Je croyais que tu m'avais mise à l'épreuve et que je t'avais perdu. Je te voyais partout, dans le métro, le bus, les magasins ; Je courrais après toutes les filles de ton gabarit et puis après toutes les noires. Le remords me rendait folle.
   
Aujourd'hui, quand je pense à toi, il ne me revient que ta douceur et tes larmes de rire. Tu es morte irrémédiablement morte, définitivement morte. Je n'entendrai plus jamais parler de toi, personne ne viendra me dire ce que tu deviens. Je ne te croiserai jamais par hasard, je ne recevrai jamais un coup de fil ou une lettre. Tu es morte, je ne te reverrai jamais, que dans ma tête incessamment.
 
C'était il y a douze ans, J'ai oublié la date parce que je ne veux aucun anniversaire. Ton souvenir ne sera jamais l'occasion de fêtes, de rituels plus ou moins bien partagés.
Il ne me reste de toi que ton prénom, Hélène, ton visage, ton corps de gamine, nos fous rires, ta tête penchée sur tes livres quand tu bosses tes cours, nos confidences, tes éternelles maladresses qui me séduisaient vraiment. Je repense au fer à repasser que tu avais rangé dans le frigo, et au temps que tu pouvais mettre pour replacer le couvercle de la cafetière, une fois, tu avais mis 10 minutes. Je te regardais tourner ce machin dans tous les sens, sans y prêter la moindre attention. Tu parlais, tu parlais, on rigolait, moi encore plus que toi. Quand je suis enfin venu a ton aide, tu as souri, et toujours cette larme au coin de l'œil qui me faisait croire que tu n'avais jamais ri avant.
   
Pourquoi es-tu morte Hélène ? Tu n'y croyais plus ? Est ce que j'aurais pu y croire pour deux ? Tu as donné un sens à ma vie, il vacille depuis.
   
    Excuses moi, Hélène, mais je ne peux pas te dire adieu.
   
   
Je suis fière et heureuse de t'avoir rencontré, de t'avoir fait rire aux larmes, tant de fois. Pendant tout le temps que nous avons passé ensemble, tu m'as donné l'impression d'être un remède à la souffrance, quel sublime cadeau. Je ne t'en remercierai jamais assez. Je te regardais vivre et je voyais une âme précieuse. Quelle science d'amour ! Tu m'as tant appris, tu étais un Ange.
   
    Ton souvenir en mon coeur est devenu une oasis de douceur, de calme, de plénitude. Tu repose en moi, adieu Hélène.
 
  ...."
       

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Commentaires
J
Merci de l'avoir publié, le texte complet est nettement mieux :-) Bonne nuit...
N
très très très beau!
A
Ah ben merci...
A
Les larmes qui coulent devant une histoire que je ne comprends que trop bien...<br /> <br /> Quel talent tu as, Aude, quelle écriture... Bravo.
R
Le prochain qui dit que tu n'es que prolixe, je lui casse la gueule.<br /> <br /> pour le chat, en ce moment, j'ai pas trop le temps. J'essaie de me brancher à la fin de la semaine, vendredi soir si t'es là...<br /> Bisoux
Aude dite Orium
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